Témoignage de Marie Tihon, photojournaliste à Istanbul
"Je suis Marie Tihon, photojournaliste belge freelance basée à Istanbul, en Turquie, depuis plus de quatre ans. Je travaille actuellement sur un projet personnel de reportage photo au long terme sur les féminicides en Turquie. Depuis que le premier cas de Coronavirus a été déclaré le 14 mars ici, le confinement à la maison est requis, et je tente de le respecter au mieux. Premièrement je suis face à l'impossibilité de poursuivre des entretiens avec les personnes liées à mon projet, je ne souhaite pas leur faire prendre de risques en les rencontrant où en les suivant dans leur vie quotidienne. Ensuite en parallèle j'avais une mission de reportage prévue en Géorgie, mais elle a été annulée en raison de la pandémie. C'était une mission importante et très bien rémunérée et malheureusement je ne toucherai jamais cet argent. Je devais également me rendre en Belgique pour commencer une enquête pour un média belge, mais avec l'annulation de tous les vols à destination de l'Europe depuis la Turquie, je ne pourrai m'y rendre. Il est très dur pour moi en tant que photojournaliste, qui est habituellement constamment sur le terrain, de me retrouver cloîtrée chez moi, à me sentir impuissante et inutile par rapport à ce qui se passe dans le monde. Je sais que c'est certainement le sentiment partagé par beaucoup de personnes en cette période de crise, mais elle provoque chez moi un réel chamboulement. Simplement le fait de ne pas savoir quand je pourrai reprendre mes projets de reportage, ni quand je pourrai retravailler pour des médias, ou encore de ne pas oser couvrir certains sujets en raison des risques sanitaires qu'ils représentent avec la propagation du virus(comme par exemple le retour des réfugiés qui étaient bloqués à la frontière greco-turque pendant plus d'une vingtaine de jours). Et je constate aussi peu d'intérêts pour la couverture médiatique de la pandémie à l'international. Les médias français sont naturellement plus intéressés par ce qui se passe en France ou en Italie, ou plus largement l'Europe mais c'est tout. Et puis les rédactions sont vides, elles tournent au ralenti avec le personnel qui travaille à distance, en télé-travail, et cela les rend encore moins disponibles aux propositions faites par des freelances comme moi. Je vais tout de même tenter de profiter de ce temps pour trier, éditer d'anciennes photos, mettre à jour mon site web, et faire des recherches et lectures sur de futurs projets. Je me réjouis tout de même que dans cette période d'isolement, de nouvelles initiatives se créent, je fais notamment partie d'une plateforme de femmes photographes dans le monde et nous allons collaborer ensemble pour témoigner visuellement de cette période de confinement... A suivre donc ! "
Pour découvrir Moovandji, le projet sur lequel collabore Marie Tihon, c'est ici:
https://moovandji.com/concept/